Textes publiés entre 2009 et 2015, archives reconstituées, issues d’un Tumblr, puis d’un blog aujourd’hui disparus.

Like antennas to heaven

Je ne dors plus, ca fait un mois maintenant. Mes nuits n’existent pas. Je n’en fais rien. Je ne dessine pas, je n’écris pas, je ne rêve pas, je ne sors pas. Je me contente de rester là. Immobile. Concentrée. Faire taire l’intérieur de la tête. Un moment d’inattention et tout pourrait sortir, les monstres,…

Quand elle veut

Quand t’as comme moi les neurones un peu tordues, la nuit vient quand elle veut, ton cerveau n’obéit pas à la lumière ou à l’horloge, la nuit tombe d’un coup, par surprise et t’as pas le choix. En ce moment la nuit tombe plusieurs fois par jour, parfois juste une seconde, quand je marche, quand…

Song for Karen

Ca s’arrête jamais ces conneries. Tu y crois pendant quelques mois, liberté conditionnelle, tu penses plus à la bouffe, t’arrêtes de te lever le matin dégoutée par les cadavres de ta dernière crise. Tu supportes la frustration, tu manges tes légumes parce que t’aimes ca, tu cuisines, tu partages. Et puis ça revient. La nausée.…

#metoo

Ca doit être chouette de ne pas craindre qu’on force votre bouche avec des doigts pour y insérer un penis. Imaginez le luxe de la tranquillité. Ca doit être chouette d’avoir des relations sexuelles avec une partenaire qui ne risque pas de vous sodomiser alors que vous avez clairement mis un veto sur cette pratique.…

Son nom est Marie

Y’a l’assassin de Marie en couverture des Inrocks. Voilà ce qu’on devrait dire. Pas l’artiste, pas le musicien, pas le poète maudit. Il y a l’homme qui a tué Marie sur le devant de ce magazine branché, et je ne m’explique pas, et je ne comprends pas. Je n’interdis pas à cette personne de vivre.…

31 décembre

C’était le dernier jour de l’année et c’était le plus étrange. Le 31 décembre à 08h du matin, devant le tribunal administratif, nous étions tous mal-peignés, mal réveillés. Tous, sauf celui qui devait passer devant le juge, bien sûr. Celui-là n’avait pas dormi de la nuit. Il serrait contre lui une chemise transparente remplie de…

Cher.e futur.e soignant.e

On va se mettre d’accord sur un truc. Oui je suis grosse. Et oui ca peut être un truc chiant médicalement. Donc t’as le droit de m’en parler. D’ailleurs si tu m’en parles pas du tout, je vais me dire que t’as du caca dans les yeux, et ca me rassurera pas. T’as le droit…

Pardon

J’en ai assez de te regarder mourir. 15 ans déjà. J’en ai assez de compter tes cotes, ton corps décharné contre le mien si plein, ça te rassure sans doute, tout ce gras, toute cette vie qui t’échappe, ça te réchauffe, mais ça ne te sauvera pas. Je ne peux plus te regarder partir à…

Pas baisable

Depuis ma trop récente séparation, j’essaie de savoir si je suis encore baisable. C’est pathétique. Je cherche dans les clins d’oeils, dans les pokes, dans les sms quelque chose que je ne trouverai pas. Je creuse la faille de San Andreas de mon ego à chaque fois un peu plus. Au lieu de me rassurer…

New York

Nous n’irons pas a New York. Nous n’irons pas aux Maldives. Nous ne mangerons plus de sushis. Nous ne nous appellerons plus. Je ne porterai pas ton enfant. Je ne t’attendrai plus au pied de mon immeuble. Nous ne nous aimerons plus. Tu pars, je reste. Peut être le contraire. Je perds le sens du…

Carte postale de Bretagne

La mer, amas cellulite vague dune sable, le sel, serviette élimée crême périmée cendrier canette, un rocher, les autres, leur odeur, l’impossibilité de fuir les corps, si présents dans l’espace, si couverts d’habitude, si dénudés à présent. De la rue au sable, quelques mètres, no man’s land, mélange de ceux qui enlèvent leurs chaussures et…

La Maison

J’ai toujours aimé compter mes pas. Avant les recommandations de l’OMS, avant l’appli Santé, j’aime compter quand je marche, les pas et les creux, les lignes et les traits. Les chiffres prennent des couleurs, des notes, j’aime mieux les multiples de trois qui donnent pairs que les multiples de deux trop évidents, il y a…

Raptus

Ma chérie, aujourd’hui je te serre dans mes bras, il y a quelques jours encore, je te croyais partie, vers le grand voyage des gentils qui partent trop tôt, de celui dont on ne revient pas. Alors tu pouvais dire ce que tu voulais, que tu regarderais toujours derrière mon épaule pour me surveiller, même de…

Pétrin purin

Mon ventre mou, distendu, le tien, courbe inversée, dur, poilu, volontaire, ma chair s’étale sur la tienne comme pour te recouvrir en entier. Ne joue pas, je gagne, c’est la marée noire le long de tes côtes, mon gras s’immisce dans tes creux, j’emplis tes pores de moi, je te gangrène, je te colonise, abandonne,…

La plage

Donne moi toutes tes danses. N’en réserve plus pour d’autres qui viendraient. Donne les moi toutes, les valses anciennes, les langoureuses, celles que tu ne sais pas danser, tes pas chaloupés sur le parquet, tes pieds qui frappent la mesure dans le vide, tes ongles sur le guichet. Donne moi ta musique, donne moi ta…

Ca va pas trop (je crois)

Ca va pas bien tu vois j’ai des milliers de petites aiguilles dans le cerveau qui me piquent et se tordent dans la chair, j’ai beau tirer dessus elles ne ressortent jamais, elles me brûlent et elles s’agitent quand je marche, salopes d’aiguilles tordues, je ne me sens plus marcher, je ne me sens plus…

Billet de grosse

Je fais des rêves de boyaux et de poumons, d’éventrations et de chairs disloquées. Je vois mon corps inerte, défoncé, troué, tuyauté. Je fais des rêves de gras, de cette masse immonde et dure qui remonte vers ma gorge pour m’étouffer. Je vois mon ventre se soulever comme habité par le malin, m’envelopper, me serrer.…

Take me home

Il a dit, on rentre à la maison. Et moi je ne savais pas. Et je ne comprenais pas. Il a dit, on rentre, c’est fini, c’est bon, tout ca ne sert à rien, partons maintenant, viens avec moi, prends ma main, ne la lâche pas. Et moi je restais sur mes pieds, aussi droite…

Ex machina

Et le silence. Quand tu te rhabilles. Quand tu cherches autour du lit tes chaussettes et ta ceinture. Tu n’es pas le seul à te taire. Je n’ai rien d’autre à dire. Et le poids de ton corps marqué dans le matelas trop mince. Et ce creux à l’intérieur de moi qui ne se comble…

Clic-Clic-Boum

C’était pas facile ces derniers temps. Depuis quelques années. Ça n’avait jamais été simple, en fait. Je n’ai jamais été à la hauteur de rien. J’ai raté mon mariage comme j’ai raté ma vie professionnelle. J’ai menti à ma mère, j’ai volé, j’ai trompé, mais j’ai toujours cru que je le faisais pour m’en sortir. Je pensais que…

La paix peut-être

Je cherche les mots pour décoder la beauté. Je cherche les adjectifs et les verbes les plus sincères et les plus clairs. Je cherche à dire ce que je ressens en moi, ce que je vois, ce qu’il se passe dans mon cœur, dans mon ventre, dans ma tête, mais ça ne vient pas. Je…

Pauvre baby-doll

Tu sais comme ils te disent que l’important c’est pas vraiment d’avoir un père, mais plutôt d’avoir une figure masculine, quelqu’un sur qui projeter, quelqu’un sur qui passer ton Oedipe, quelqu’un qui t’aimera tout pareil, quelqu’un qui pourrait même être une femme, un épouvantail pour tes colères et tes fantasmes, une statue du commandeur à dézinguer. C’est…

Abbas

Abbas est pakistanais, il a 55 ans, et c’est mon collègue préféré. Il travaille dans le sentier depuis 30 ans, depuis qu’il est arrivé en France, il est marié depuis 30 ans aussi, il a des filles qu’il essaie de marier sans succès, mais il va y arriver. Abbas prie dans la petite salle derrière…

Le fétichiste

Dans l’immensité des déviances sexuelles, j’ai la chance d’attirer particulièrement deux genres de pervers tout à fait particuliers : l’admirateur de grosses et le soumis. Le premier trouve en moi tout les critères physiques nécessaires à la réalisation de son fantasme, prend du plaisir à te caresser les bourrelets que tu tentais jusqu’alors de dissimuler habilement…

Ca s’appelle l’angoisse

La foule comme une toile d’araignée mouvante. Les paroles des gens qui s’entremêlent. Leurs pensées, leurs histoires, sortent de leurs crânes comme des nuages de bruit. Je me sens polluée par le bruit des autres, par leurs regards, par leurs nuages. Je ne sors plus sans casque sur les oreilles, ma seule arme de défense contre…

Cerveau pute

Ta peau qui me brûle, ta montre jetée par terre, ta main dans mes cheveux, l’heure qui passe pourtant, mon corps dans la lumière, mon cerveau dans ma bouche, ta bouche sur la mienne, pas un bruit, je suis en apnée, j’ai peur de respirer, si je bouge tu disparais, je vais me réveiller, pas…

J’ai été un génie

De 13 ans à 16 ans. Parfaitement. En tout cas, tout le monde s’accordait à le dire. Dans ma petite pension du fin fond de la forêt, académie Amiens, mes professeurs n’en connaissaient pas d’autres, j’aimais lire, j’aimais avoir raison, je sors d’un an au Canada, toute seule, où j’ai appris à faire la lessive…

Du désir et autres contrariétés

Saloperie de désir de merde. Envie qui te prend aux tripes d’être dans les bras de l’objet de ta lubie, de compter les poils de sa barbe un par un, de retenir dans la paume de ta main l’emprunte de sa joue, de son pied, de sa queue. Entre l’envie de vomir et la crampe…

Grand incendie

J’ai le désir mort-né, entre mes cuisses. Une boule de poils, un kyste, gomme à mâcher mêlée de peaux mortes et de restes organiques. Le long de mes cuisses, une traînée noire, je dessine, j’écris avec mes doigts, les paysages de mes amours finies, les pieds sur le parquet, ma langue dans ta bouche, l’odeur…

Dedans dehors

Dedans, le froid des courants d’air des couloirs immenses, qui s’étirent vers rien, succession de hublots aux paysages glauques, des cris souvent, un murmure informe, les lumières bleues de la télévision, blanche d’un néon, rouge arrêtez vous, vert, passez. Dehors, le vide jonché d’objets, paquets de cigarettes vides, conserves aplaties, piles usagées, cantines cabossées, papiers…

L’ascenseur

J’aime pas les ascenseurs. Ce truc encastré dans le béton qui va et qui vient à la merci d’un ordinateur maléfique. Descend ou monte, après tout tu ne contrôles rien, c’est Hal et les machines, tu pousses un bouton mais c’est une illusion, il suffit d’un rien, d’un fil ou d’un conduit, pour que les…

Couloir jour

Salle d’attente d’un hôpital, linoleum jaune passé, fauteuil soudé au sol, table basse en formica, plante artificielle, Voici et Gala. Je déteste attendre, et cette pièce ne m’aide pas, rien qui n’accroche ton regard, rien pour se distraire, juste les paroles étouffées du médecin qui consulte dans la pièce d’à côté. J’enchaîne les parties foireuses d’Angry…